Patrick CHEMLA - "Confrontés à la barbarie, une politique de l’hospitalité" (Intervention aux Journées de l'AMPI 2024)

 

Confrontés à la barbarie, une politique de l’hospitalité

Patrick Chemla, novembre 2024

Intervention aux Journées de l'AMPI


D’une façon insistante, je me trouve rattrapé par ce motif de l’hospitalité : sans doute par l’actualité d’une époque marquée par une inhospitalité massive et généralisée. « Le désir d’une psychiatrie humaine » constitue aujourd’hui un enjeu qui pourrait paraitre illusoire si nous n’avions pas la conviction chevillée au corps de l’effectivité d’une praxis de la folie. Pour peu que nous nous en donnions les moyens, et également que l’on nous laisse travailler dans une relative tranquillité, nous avons fait l’expérience pour nombre d’entre nous de l’espace de possibilisation qu’offre un collectif. Comme beaucoup ici le savent, j’ai pu y travailler à Reims au centre Antonin Artaud depuis les années 80 avec toute une équipe qui poursuit le travail engagé avec les patients depuis mon départ en retraite l’année dernière. Marzia Magnanini et Guillaume Alemany vous donneront probablement demain un écho de l’effervescence et de la créativité qui se relancent malgré l’exacerbation des résistances politiques à ce travail. La SDLFO vient de témoigner d’une vitalité et d’une force étonnante qui devait autant aux soignants qu’aux patients mobilisés par les clubs thérapeutique, le Gem et Humapsy.
 
Mais il me faut revenir sur la barbarie que j’ai évoquée dans mon titre. J’ai pensé « Socialisme ou Barbarie » nom du regroupement créé par C.Castoriadis et Claude Lefort dans l’après-guerre. En référence bien sûr à Rosa Luxembourg avançant dans un de ses écrits de prison, l’alternative « socialisme ou barbarie », démontrant que les capacités d’ «adaptation » du capitalisme sont susceptibles de nous entraîner dans une barbarie croissante, ce que l’histoire du XX e siècle et de notre actualité fertile en guerres et en massacres aura malheureusement confirmé.
 
Certains pourraient rétorquer que nous avons fait l’expérience de « socialisme et barbarie » avec le stalinisme, le maoïsme, Pol Pot et autres. Ce que je soutiendrai également, et que je mettrai même en avant comme une des sources de la barbarie actuelle entrainant un sentiment de manque cruel de perspective, avec l’impression d’un effondrement inquiétant. 
 
J’ai relu avec un certain trouble quelques lignes retrouvées d’un texte que j’avais écrit en 2009, un an après la création du Collectif des 39, pour un colloque en hommage à Jacques Hassoun. J’y évoquais son livre posthume « Actualité d’un malaise » :
« Nous le savons maintenant, parce que l’Histoire s’est chargée de nous l’apprendre en nous cognant très fortement et en nous mettant le nez sur les massacres commis au nom du Bien; je me suis approprié sans vergogne l’hypothèse d’un « effondrement traumatique des utopies révolutionnaires » que Jacques Hassoun avance dans son dernier livre, comme l’un des ressorts de l’actualité du malaise ».
 
Après la Shoah, et la catastrophe qu’elle ne cesse de produire dans la Culture comme l’a fort bien développé G.Agamben, il s’est produit une série de catastrophes d’autant plus traumatiques qu’elles ont atteint l’espoir d’un autre monde possible. Il nous est devenu vraiment difficile de croire, comme nous l’avons fait pendant longtemps que l’humanité aurait à choisir entre « Socialisme ou Barbarie ». Je pense qu’il faudrait ménager une place particulière à Castoriadis qui n’aura eu de cesse jusqu’au terme de sa vie que de penser les processus de subjectivation en les reliant aux « constructions imaginaires de la société », et de constater in fine « la montée de l’insignifiance » qui fait le lit du populisme et de tous les micro-fascismes actuels. Micro fascismes qui sont en train de prendre corps et de coaguler dans une marée montante qu’il nous faut endiguer.
Notre époque est caractérisée par le cynisme et la mélancolisation du lien social, le fétichisme de la marchandise et la volonté explicite d’une contre-révolution néolibérale. Je pense à tous ceux qui « revenus de toute illusion » affirment qu’on ne les y reprendra plus, ont appuyé la remise en ordre macronienne du capitalisme, et se réfugient dans une nouvelle religiosité d’appartenance qu’elle soit ethnique, communautariste ou qu’elle consiste à faire retour à la religion monothéiste de leurs ancêtres!
Là encore je ne peux faire autrement que de partager l’analyse de J.Hassoun qui voit dans ce retour du religieux le symptôme et le ressort du malaise
 
Retour ou persistance ? La question est loin d’être simple car nous pouvons émettre l’hypothèse qu’une religiosité insue minait de l’intérieur tous ces mouvements qui se voulaient subversifs, mais qui idéalisaient les révolutions anticoloniales ou qui allaient chercher une figure héroïsée, quasi-divinisée du côté de Mao, Che Guevara ou Trotski, fabriquant ainsi autant d’icônes et de lieux saints…
Or nous pouvons constater que le religieux provoque les mêmes déchainements qu’au siècle précédent avec les guerres saintes et les croisades contre le Mal qui ne cessent de proliférer et de nous atteindre ici même au plus extime du lien social.
Une aggravation s’est même produite avec la réalité inquiétante d’une fascisation et d’une racialisation des rapports sociaux déjà présents et qui pourraient l’emporter. Chacun se trouve aujourd’hui renvoyé assez violemment à son assignation identitaire ou religieuse, voire même ethnique; souvent sommé de prendre parti de façon binaire: tout écart par rapport à l’assignation identitaire déclenchant alors l’accusation d’une « haine de soi » qu’il faudrait en quelque sorte avouer. Or la possibilité d’une pensée critique aura toujours consisté à se détacher de ce que Freud nommait la « majorité compacte », et j’ai vraiment la conviction d’une transmission de la psychanalyse en reprenant cette posture du « juif infidèle » qu’il adopta dès ses débuts et qu’il garda jusqu’au seuil de la mort en écrivant son Moise. L’enjeu consiste à décliner toutes les possibilités « d’infidélité dans la fidélité » auxquelles cette posture nous invite. C’est ce à quoi nous proposait Derrida dans la plupart de ses ouvrages : posture revendiquée par Jacob Rogozinski, dans son ouvrage Inhospitalité paru cette année. L’auteur qui interviendra lors des prochaines journées de la Criée reprend à sa manière les hypothèses de Derrida sur l’hospitalité, qu’il va entrecroiser avec celles de Kant, puis Freud, mais aussi Husserl et Claude Lefort, et de quelques autres…
 
Je ne vais pas résumer son livre mais souligner le constat partagé de la montée de l’inhospitalité, avec la construction foucaldienne du concept de « dispositif d’inhospitalité » influant sur les processus de subjectivation. Ce qui suppose de repréciser ce qu’on entend par dispositif, et je m’appuierai pour cela sur le livre d’Agamben: Qu’est-ce qu’un dispositif ?
« Foucault a ainsi montré comment, dans une société disciplinaire, les dispositifs visent, à travers une série de pratiques et de discours, de savoirs et d’exercices, à la création de corps dociles mais libres qui assument leur identité et leur liberté de sujet dans le processus même de leur assujettissement. Le dispositif est donc, avant tout, une machine qui produit des subjectivations et c’est par quoi il est aussi une machine de gouvernement. » Et plus loin dans le même ouvrage : « Ce qui définit les dispositifs auxquels nous avons à faire dans la phase actuelle du capitalisme est qu’ils n’agissent plus sur la production d’un sujet, mais bien par des processus que nous pouvons appeler des processus de désubjectivation. »
 
Cette remarque d’Agamben m’apparaît fondamentale, allant d’ailleurs au-delà de Michel Foucault, dans une direction qui paraît rejoindre nos préoccupations les plus cliniques. Il existe en effet une contradiction essentielle entre la conception foucaldienne des processus de subjectivation, toujours conçus comme un assujettissement dans le dispositif de consentement à la norme, et la conception psychanalytique qui dégage les effets de subjectivation comme un progrès dans la cure, et de façon analogue dans l’analyse institutionnelle. Une institution dans le sens qui nous importe, un collectif qui viserait toujours les effets de surgissement et d’émergence du singulier, du sujet de l’inconscient, que l’on peut repérer dans ses productions : lapsus, actes manqués, mais aussi dans la possibilisation de la capacité d’invention et de confrontation à l’inconnu. La perception par Agamben que le formatage actuel crée une désubjectivation, et la recherche qu’il propose m’intéressent dans la mesure où elles produisent une ouverture pour la pensée. 
 
Rogozinski avance pour sa part la proposition politique de « contre-dispositifs » capables de s’affronter aux dispositifs xénophobes, ce qui ne peut s’imaginer en dehors de la création d’un nouvel Imaginaire instituant, rejoignant ainsi à mon sens l’élaboration du concept « d’Imaginaire du Commun » avancé par Pierre Dardot. Il s’agirait en quelque sorte de s’affronter au dispositif d’inhospitalité sur son terrain politique. D’où le changement de titre de ce topo où je suis passé de l’éthique au politique. J’ai en fait suivi le parcours proposé par Rogozinski relisant la proposition par Derrida d’une hospitalité inconditionnelle qui prend sa source chez Levinas. Mes précédentes lectures de Derrida m’avaient laissé dans l’embarras. Je me trouvais assez fasciné par cette logique de l’hospitalité inconditionnelle, située de fait dans l’éthique et « l’accueil du visage d’autrui qui me révèle l’idée de l’infini, donc de l’inconditionné »(Lévinas). Ce qui va entrainer dans cette suite une position radicale, hyperbolique chez Derrida: « l’excès de l’infini sur le fini, c’est l’accueillir au-delà de ma capacité d’accueil… L’hospitalité consiste à donner plus qu’on a, en tout cas à excéder, à faire craquer les limites du moi ».
 
On pourrait y lire en étant optimiste les conditions d’accueil du transfert pour un analyste. Mais est-ce possible d’avoir une telle attente vis-à-vis d’un collectif indispensable à la construction de la fonction phorique de patients psychotiques ou border line ? Au risque que le Collectif ne puisse supporter une telle tension et n’en vienne à craquer.
Mais à l’inverse que serait un Collectif qui renoncerait par avance à un tel horizon d’attente ? Nous savons que Jean Oury s’est largement appuyé lui aussi sur Lévinas pour préciser cette éthique de l’hospitalité mais aussi de la responsabilité pour autrui, évoquant ce niveau d’exigence « de se tenir responsable de la responsabilité d’autrui »
Par ailleurs Jacob Rogozinski insiste fort justement sur deux autres aspects qui me paraissent essentiels : le registre du don et celui du temps.
-Le registre du don est aussi envisagé sur ce mode hyperbolique : « Pour qu’il y ait don, il faut qu’il n’y ait pas réciprocité ». (Derrida)
Rogozinski commente : « Il ne voit pas que le don réciproque implique la confiance, la gratitude, la reconnaissance mutuelle qui ouvrent l’espace d’une communauté pacifiée avec autrui. En refusant d’attendre d’autrui un don en retour, il réduit le don et l’accueil à un dévouement absolu qui peut aller jusqu’au sacrifice »
 
Je dois dire que ce registre du temps ne m’était pas apparu lors de mes précédentes lectures trop fascinées par le style de Derrida et la force de son propos. En effet il avance l’idée d’une « messianicité sans messie », ce qui place l’accueilli dans une position assez intenable, d’une exigence assez folle. Lui aussi peut craquer ou nous faire craquer. Ce n’est sans doute pas rien de se retrouver mis en place de messie d’une messianicité sans messie !

Par ailleurs la messianicité nous invite à la temporalité de l’évènement, du surgissement du « hors d’attente » (Héraclite). C’est la temporalité envisagée par Walter Benjamin dans ses thèses sur l’Histoire que j’ai évoquées ici même l’an dernier.

Or il s’agit aussi d’envisager de tenir sur la durée tant sur le plan institutionnel que clinique. Nous sommes bien placés pour en parler dans le cadre d’une orientation analytique qui ne saurait se réduire au surgissement de l’interprétation ou de la construction. Mais au contraire suppose un travail continu avec la production de médiations matérielles inscrites dans la trame institutionnelle, investies d’un désir inconscient dont nous savons qu’il peut être fluctuant, pulsatile, précaire. C’est ce rapport travaillé à l’Inconscient freudien, moins phobique ou paranoïde qu’il s’agit de faire émerger dans une psychanalyse, mais c’est aussi l’enjeu d’une analyse institutionnelle permanente. Plutôt que de rechercher une prétendue causalité psychique, ou de plaquer des significations, l’enjeu majeur consiste, me semble-t-il à apprivoiser la peur et la haine du désir inconscient, pour se tenir en disposition d’accueillir autrui dans sa singularité, son étrangèreté, et supporter l’entame du transfert.

Cela est plus facile à dire qu’à mettre en acte, et nous savons pour peu que nous nous soyons frottés à la clinique que nous nous heurtons à des résistances inconscientes qui, selon Tosquelles progressent de façon géométrique lorsque nous travaillons en collectif.

Derrida avait à sa manière perçu cette difficulté en évoquant l’hostilité surgissant en réaction au registre traumatique de l’accueil inconditionnel : accueillir jusqu’à l’envahissement, jusqu’au risque d’être détruit par autrui… Il avait même forgé le néologisme audacieux d’hostipitalité condensant cette aporie.

Winnicott dans un essai célèbre a de son côté évoqué la haine dans le contre transfert, renommée « haine objective » ; et ce registre est également omniprésent dans le travail de Searles élaborant à Chesnut Lodge sa praxis du Contre transfert avec les patients psychotiques.

Il va donc nous falloir reconnaitre cette « haine objective » qui surgit dans l’expérience de l’accueil transférentiel de la folie. Winnicott en parle à propos d’un gosse qui dévaste son appartement ; mais il lui installe aussi une sonnette à hauteur d’enfant pour qu’il puisse revenir quand il se sera calmé. Et il insistera jusqu’au terme de son parcours (Jeu et réalité) sur l’absence de représailles, ce que je souligne tellement cet aspect se trouve menacé aujourd’hui.

Ce qui insiste c’est cette dimension de l’hostile comme point de résistance, ce qui me renvoie à l’hospitalité au pire dont parle Derrida : « une possible hospitalité au pire pour que la bonne hospitalité ait sa chance ». Cette possibilité serait à mettre en rapport avec « l’impossibilité de contrôler, de situer pour s’y tenir par des critères, des normes, des règles, le seuil qui sépare la pervertibilité de la perversion. Cette impossibilité, il la faut ». Cette assertion, je la reprendrais bien à mon compte pour souligner ce paradoxe à maintenir comme tel de l’hospitalité dans le transfert : pas de règles ni de normes qui viendraient nous rassurer, mais à chaque fois et sans cesse une prise de risque absolument nécessaire. D’où la nécessité d’une analyse infinie pour l’analyste, et d’une analyse institutionnelle permanente. En institution, la surprise vient de l’inattendu des rencontres qui se produisent pour des patients très perturbés : certains, comme on sait, auront tendance à se précipiter vers des « oreilles fraîches » (selon la forte expression d’un de mes premiers patients), des soignants jeunes, inexpérimentés et donc ressentis comme moins dangereux pour les défenses paranoïdes. Le risque est par conséquent démultiplié d’analyse sauvage et de délire à deux ou à plusieurs, même si le collectif se donne des lieux d’élaboration des transferts engagés.

On peut bien sûr récuser ce risque en écartant d’entrée de jeu la possibilité de l’engagement dans le transfert, ce qui constitue l’actuelle « banalité du mal » des institutions psychiatriques qui s’en trouvent dévitalisées, avec une très forte tendance au désinvestissement, voire à la perte du désir soignant. On peut aussi, et c’est le pari de la psychothérapie institutionnelle, construire à plusieurs le dispositif nécessaire : avec une pluralité de lieux d’élaboration, des séminaires et groupes de travail, et surtout une théorisation permanente de la praxis. C’est dans cette perspective d’une hospitalité construite à plusieurs que nous allons nous frotter en permanence aux paradoxes que j’ai essayé de dégager. Les résistances du collectif ne seront jamais envisagées comme des obstacles à abattre, mais comme l’espace même d’une traversée. Chacun s’y engageant peu ou prou, avec la pulsatilité du désir inconscient, et l’unicité de son être au monde. Que cette unicité ait à voir avec son symptôme mis au travail n’est pas une mince affaire, car il s’agit de réduire les effets d’analyse sauvage, de tamponner leur cruauté par l’humour et une certaine légèreté de l’ambiance,.

Nous constatons donc que ce registre de l’expérience module considérablement cette éthique de l’hospitalité inconditionnelle quand bien même elle peut constituer un point d’idéal pour un sujet ou pour un collectif. Encore faut-il ne pas se laisser fasciner par la beauté sacrificielle du geste, confondre idéal et idéalisation, et se bruler les ailes en imaginant un lieu qui serait sans porte ni frontière. Nous avons besoin de seuils, de délimitations, d’exercer un travail diacritique pour permettre la circulation et les passages des objets, des corps ; Tout un travail de la métaphore qui permet l’expérience de la Stimmung, des éprouvés sensibles de l’ambiance différente d’un lieu à l’autre, et une symbolisation de ce qui peut l’être. Notre travail serait celui de passeur de frontières, voire de contrebandier car il arrive que les processus de symbolisation nécessitent une subversion de l’institué. En particulier quand cet institué se montre rejetant, inhospitalier, voire cruel.

Je pense à l’institué dans nos services et établissements avec des dynamiques d’équipes ou de chefferies quelquefois franchement hostiles à toute remise en cause, et ouvertement hostiles aux patients.

Ce qui nous invite à une « micropolitique de l’expérience » là où nous travaillons. J’entends par là les nécessités d’alliance, d’espaces de négociation et de traduction dans la langue de l’Autre. Cela s’avère difficile dans bien des cas, mais pose la question d’une posture militante dans le travail quotidien si nous voulons que le travail soit fait correctement. Cette posture militante dans les lieux qui résistent a été relevée par la CGLPL, mais aussi par les députés qui ont entrepris des missions parlementaires. En même temps, si nous ne le faisions pas, si nous laissions assujettir par les protocoles et les normes suraliénantes, je crois que nous risquerions d’en éprouver cette souffrance au travail que C. Dejours a nommée « souffrance éthique ».

Cette posture militante ne date pas d’aujourd’hui : elle a été celle des fondateurs de la PI qui eux risquaient leur peau. Elle a été relancée à la Libération, puis par le GTPSY. Les circulaires de 60 sur le secteur ont donné une nouvelle impulsion même s’il a fallu attendre souvent 1975 pour avoir des expériences de terrain qui auront toujours été minoritaires, hormis quelques lieux d’exception comme l’Essonne, l’ASM 13, l’expérience d’Hochman/Sassolas et quelques autres.

Mai 68 aura marqué un tournant avec l’irruption des antipsychiatries et le grand malentendu avec la PI, sur lequel je ne reviendrai pas. En tout cas de nombreuses initiatives ont vu le jour. Un certain nombre se sont poursuivies sur la durée même si nous traversons actuellement une mauvaise passe. Depuis les années 2000 et le rapport Piel/Roeland explicitement, mais ça avait de fait commencé dès 1983, un vent mauvais a déferlé calomniant la politique de secteur, la PI et la psychanalyse. Il ne se passe plus de semaine sans que des journaux à grand tirage, y compris le Monde se fassent les propagandistes de Fondamental et de la bonne nouvelle des prétendues découvertes scientifiques qui vont révolutionner les prises en charge.

Comme vous le savez, c’est du pipeau ! Et la seule méthode qui vaille consiste à accueillir les patients avec hospitalité, ce qui implique logiquement de se faire accueillir par eux. Cela s’appelle la PI quand bien même certains la pratiqueraient sans le savoir en la réinventant avec les moyens du bord. Il n’y a pas selon moi à fétichiser cette appellation provisoire de nos praxis qui ont été baptisées initialement « social thérapies » par Tosquelles pendant les 10 premières années.

Ce qui compte c’est l’intime intrication entre le registre de l’Inconscient freudien et celui du Politique dans les praxis de la Folie. Cette double aliénation et surtout une position militante pour la mettre au travail c’est cela l’essentiel. Même si nous en passons par bien d’autres registres comme celui des arts et de la création. Que serait une politique de l’hospitalité qui n’en passerait pas par un appui sur la créativité des personnes et des Collectifs de soins?

Patrick Chemla