CONFÉRENCE-DÉBAT de rentrée : Lucien MÉLÈSE : Préambule : "Il y a de plus en plus d'étrangers dans le monde", samedi 14 septembre 2024
CONFÉRENCE-DÉBAT DE RENTRÉE LA CRIÉE
LUCIEN MÉLÈSE, psychanalyste
Préambule
"Il y a de plus en plus d'étrangers dans le monde"
Discussion : Anna Angelopoulos, conteuse et psychanalyste
Samedi 14 septembre 2024 à 15h30
Centre Antonin Artaud, 40 rue Talleyrand à Reims
PRÉAMBULE
« Il y a de plus en plus d’étrangers dans le monde. »
Maintenant je m’attache plutôt à l’autre versant de cet aphorisme (apporté peu auparavant nos colloques, à la radio par Ivan Levaï) :
« Quel est ce Monde qui commet ainsi des Étrangers ? »
Ce Monde actuel, « innommable » au propre comme au figuré, et qui configure malgré tout nos être-en-acte.
(Je ne saurais seul satisfaire à ce projet, et compte sur vos relances ou réserves)
Argument 2024/2025 de la CRIEE
FIGURES DE L’ÉTRANGER
La publication de la Criée « Politiques de l’hospitalité » date de 2014. Elle s’inscrivait dans nos principes fondateurs déployés depuis une praxis d’accueil de la folie, mais aussi des lectures, discussions, élaborations nécessaires pour tenir au long cours. Ce motif de l’hospitalité que nous avions confronté à une lecture de Levinas et Derrida, trouvait aussi sa source dans l’inhospitalité dont nous pressentions l’expansion inquiétante. La peur et la haine de l’étranger s’exacerbaient, et nous avions tenté déjà de comprendre ce qui échappait à l’entendement. Les processus de ségrégation, de discrimination, de repli identitaire n’auront fait que s’exacerber depuis avec la construction de figures du paria : fous, migrants, « français d’origine étrangère », « anormaux » dont parlait déjà Michel Foucault. Ceci retentit dans nos pratiques, fondées au contraire sur l’accueil du différent, de l’altérité et la construction d’un support assurant une « fonction phorique » (Delion) qui permet l’accès à l’existence. L’étranger dans cette perspective devient une chance pour faire surgir de l’ouvert, condition de possibilité du transfert.
« L’inquiétante étrangeté » dont nous parle Freud évoque des phénomènes archaïques qu’il parait impossible d’endiguer par un simple rappel à la raison. Aucune statistique sur la faible dangerosité des malades mentaux, le fait qu’ils soient bien plus souvent agressés qu’agresseurs, n’aura jamais réduit la panique qui s’empare du corps social à chaque fois qu’un « crime fou » se produit. A chaque fois nous sommes surpris de devoir répéter les mêmes arguments et de rencontrer le même trouble. Le discours présidentiel de 2008 nous avait violemment renvoyé cette formulation des « schizophrènes dangereux », préconisant l’enfermement et la contrainte aux soins en ambulatoire. Ce qui a suscité l’émergence de plusieurs collectifs de soignants, en lien avec des patients et des familles, mais aussi d’associations de patients s’inscrivant dans une perspective d’hospitalité pour la folie. Les Assises citoyennes du soin psychique viennent de se tenir pour la troisième fois à la Bourse du Travail de Paris les 24 et 25 mai 2024, organisées par le Printemps de la Psychiatrie dont la Criée est partie prenante, en lien avec les CEMEA : l’assistance était nombreuse, grave et joyeuse, s’écartant résolument d’une posture de déploration.
Pourtant la Psychiatrie de secteur subit des attaques sans précédent, de nombreux CMP, CATTP, des services ferment, bien souvent faute de soignants de tous métiers qui sont tentés de fuir le service public. Cette ambiance délétère de dégradation du service public est à la mesure de notre époque de déliaison et de fragmentation : des spectres surgissent qu’on croyait disparus, et tout s’accélère dans la recherche de bouc-émissaires. Les figures de l’Étranger surgissent alors comme des menaces, une clôture du groupe sur lui-même, refusant cette part d’étranger, d’étrangeté au cœur du sujet. Il est probable que nous apercevons des mécanismes de rejet profondément archaïques qu’il s’agit d’élucider, car il s’agit de la condition même de possibilité de notre travail soignant.
Cette année de la Criée s’inscrit dans un moment du malaise dans la Culture que nous nous proposons d’accueillir avec toute la mobilisation psychique nécessaire : le souci de l’altérité et de l’hétérogène resteront notre fil conducteur pour tisser un horizon d’attente.
Vendredi 16 et samedi 17 mai 2025
19èmes RENCONTRES DE LA CRIEE
Centre des Congrès de Reims, 12 boulevard du général Leclerc
En partenariat avec les CEMEA