"Quand le gouvernement déshumanise la psychiatrie, c’est notre humanité à chacun qui est attaquée !", par Serge KLOPP, le 2 mai 2021

"Quand le gouvernement déshumanise la psychiatrie,  c’est notre humanité à chacun qui est attaquée !"

Serge KLOPP, le 2 mai 2021

 

La crise du Covid est en train de provoquer une autre crise sanitaire dans le champ psychiatrique.

La perte de lien social (fermeture des écoles, des lieux de cultures, des cafés, interdiction des regroupements familiaux à plus de 6, confinement chez soi,…) et les conséquences socioéconomiques (chômage, précarité,…) liées au Covid ont provoqué une vague sans précédent de décompensations psychiatriques allant de retards de langage et des interactions chez les plus petits à des dépressions graves avec risque suicidaire élevé (on peut presque parler d’épidémie de suicides chez les adolescents), voire déclenchement de psychoses.

Ces phénomènes ne sont pas nouveaux en soi.

Par exemple, le retard de langage lié au manque de liens sociaux chez les moins de 3 ans, s’observe communément dans les LAEP (Lieu d’Accueil Enfants Parents) des quartiers défavorisés manquant de crèches et dont les parents ne peuvent payer une garderie.

Ils sont dus à ce qu’on appelait la sociogenèse et qu’ont révélé des psychiatres essentiellement marxistes comme Bonnafé, Le Guillant ou Folin. Elle prenait place à côté de la psychogenèse et de la biogenèse dans l’approche biopsychosociale de la psychiatrie à la française, parce qu’on ne peut dissocier ces trois dimensions qui fondent notre humanité.

Mais aujourd’hui cette approche biopsychosociale ne serait plus valide.

Avec le recul du marxisme dans le domaine des idées, la sociogenèse n’est plus enseignée depuis longtemps.

Et cela fait des décennies que la psychogenèse reposant sur la théorie psychanalytique est remise en question et de moins en moins enseignée, même en Fac de Psycho !

Nous ne serions plus des êtres biopsychosociaux, mais des êtres uniquement biologiques.

Les troubles psychiques ne seraient dus qu’à des causes génétiques ou des dérèglements neuronaux qu’il faudrait traiter.

Tout cela s’appuyant sur un dévoiement et une caricature des neurosciences et du comportementalisme.

Bref, comme le disait Daumezon en son temps, la psychiatrie redeviendrait vétérinaire !

 

Aujourd’hui le gouvernement veut imposer définitivement cette conception déshumanisante de la psychiatrie.

C’est le sens du texte sur le remboursement des consultations de psychologues, sous condition de n’utiliser que les techniques comportementales, interdisant toute psychothérapie pour ces jeunes qui ont justement bien plus besoin de parler que d’être formatés !

L’ordre des psychologues étant le bâton ou la carotte selon pour faire rentrer les psychologues dans le rang.

Depuis les années 70, alors que la population est passée de 40 à 65 millions d’habitants et que la crise sociale, le chômage, la précarité, les liens familiaux intergénérationnels distendus ont complexifié les problématiques, la psychiatrie n’a eu quasiment aucun moyen nouveau !

Aujourd’hui la psychiatrie de Secteur est saturée.

Elle n’a plus les moyens de prendre en charge toutes les demandes de soins. Il y a longtemps déjà qu’elle a renoncé aux soins de prévention et opéré un tri renvoyant les patients les moins malades, notamment les dépressifs, vers le libéral (psychiatres, psychologues et le plus souvent généraliste).

C’est ce qui fait que la France est le premier consommateur de psychotrope par habitant.

Depuis la loi Touraine, le Secteur ne devrait s’occuper que de la crise, le suivi au long cours étant du ressort du généraliste dans le cadre du parcours de soins.

 

Si l’on embauchait dans les secteurs les milliers de psychologues au chômage, cela permettrait :

  • non seulement de réduire les délais d’attente pour une première consultation en CMP

  • de refaire de la prévention

  • de prendre en charge comme c’est sa mission toutes les demandes de soins et pas que les plus graves

  • de réduire considérablement la consommation de psychotropes

Si les missions de la psychiatrie se limitaient à ne traiter que la crise et ses symptômes, on comprend pourquoi il serait inutile de se préoccuper des dimensions psychiques et sociales des personnes en souffrance.

Nous refusons que le soin soit réduit à du conditionnement et du dressage.

Pour le Parti Communiste, on ne saurait réduire l’humain à sa seule dimension biologique.

C’est pourquoi nous avons déposé une proposition de loi pour la santé proposant :

« Art. L. 3221-1-1. – La psychiatrie est une discipline médicale à part entière au même titre que la Médecine-Chirurgie-Obstétrique. Elle a pour mission de lutter contre les maladies mentales en tenant compte de la triple dimension bio-psycho-sociale propre à chaque individu. »

Il s’agit d’arrêter d’opposer les neurosciences, la théorie psychanalytique et l’approche sociothérapique. Ces trois approches doivent être à nouveau enseignées à tous les acteurs du soin.

« Art. L. 3221-1-2. – Le secteur psychiatrique est la référence du dispositif public de lutte contre les maladies mentales. Il garantit une cohérence du parcours de soins et une proximité des soins. Il s’appuie sur un maillage territorial d’établissements de santé et est organisé autour d’une zone géo-démographique regroupant une population d’environ 75000 habitants. »

Le secteur est un parcours de soins en soi qui doit travailler en coopération avec la médecine générale, mais n’intègre pas le parcours de soins = de la médecine générale, d’où l’importance de reconnaître la psychiatrie comme une discipline à part entière et non une spécialité de la médecine comme les autres.

Pour toutes ces raisons le PCF soutient le mouvement initié aujourd’hui, Laurence Cohen Sénatrice Communiste du Val de Marne va déposer une question écrite dans ce sens.

Mais nous considérons qu’il doit être étendu au-delà de tous les soignants, aux patients, leurs proches et à tous les citoyens soucieux du respect de l’intégrité de la personne humaine. Lorsque l’on voit l’audience de la série « En thérapie » on mesure combien nos concitoyens sont sensibles à ces questions !



Montreuil le 2 mai 2021

Serge Klopp

Référent psychiatrie du PCF

 

(Texte exposé lors de la mobilisation des acteurs du soin psychique du 2 mai 2020, organisée par l'Appel des appels, le Collectif des 39 et le Printemps de la psychiatrie)