Intervention Sarah Colin "Une vie vivable et vivante" mars 2015

Une vie vivable et vivante

Exposé de Sarah Colin pour l'assemblée générale de l'Unafam, mars 2015


Je voulais d'abord vous remercier pour cette invitation qui va nous donner l'occasion d'échanger sur cette expérience de la maladie psychique que nous traversons les uns et les autres depuis des bords différents, jusqu'à nous rencontrer dans des situations de détresse et de crises existentielles graves.

Peut-on mesurer assez le bouleversement que représente dans une famille pour des parents, des frères et sœurs , des proches, la souffrance psychique grave ?
Elle met en jeu le pronostic vital et l'espoir d'une vie idéale, comme nous la souhaitons toujours pour ceux que nous aimons. Ce serait comme une exigence de bonheur que nous projetons sur nos enfants, à laquelle nous devons renoncer, ce qui ne va pas de soi..
Il faut alors trouver en soi l'énergie nécessaire pour lutter, pour survivre et accompagner les proches malades dans un parcours inconnu plein d'embûches, de rencontres et de découvertes inattendues.
Car cette expérience douloureuse et tragique est aussi une expérience vivante qui transforme ceux qui la traversent et arrivent à défricher un chemin. En tout cas c'est de cet enjeu de la rencontre que je vais essayer de vous parler aujourd'hui. Enjeu qui est de mon point de vue au cœur du métier de soignant.

LA QUESTION DU SOIN EN PSYCHIATRIE


Pour ma part, ayant pratiqué la médecine générale pendant 13 ans, je ne conçois pas le soin, même dans les maladies somatiques sans tenir compte de la complexité du patient qui me sollicite et sans oublier ma possibilité d'être affectée par ce qui se joue dans cet échange avec lui.

Nous appelions cela pendant nos études " le colloque singulier". Je ne comprenais pas grand chose à cette expression désuète mais au fil du temps et de ma pratique auprès des patients qui nous forment à notre métier , je me suis appropriée en les redécouvrant un certain nombre de concepts qui m'ont amené à penser le soin dans cette relation particulière, cette confiance qu'il s'agit de partager avec celui qui s'adresse à moi et que
je nommerai transfert.
Je pense souvent à cette phrase de Michael Balint qui m'a toujours accompagnée dans mon apprentissage de médecin : "le médecin se prescrit lui même" c'est à dire qu’il prend en compte sa part subjective de soignant dans la prescription. Si la prescription médicamenteuse est nécessaire pour soulager les symptômes trop douloureux de la maladie, il est évident que l'observance thérapeutique et même aussi dans une certaine mesure une partie non négligeable de l'efficacité du traitement prescrit ,est liée à ce climat de confiance dans l'espace du transfert. On pourrait évoquer à ce sujet l'intérêt de l'effet placebo.
L'effet placebo est une composante essentielle dans le soin et doit être reconnu et valorisé.
Il rend compte des effets de la rencontre, du soulagement que peut procurer au patient l'espace d'un entretien, d'un accueil dans un centre de jour, et qui participera grandement, à l'amélioration des symptômes sans qu'il s'agisse d'un effet magique.
Jean Oury parle de la gentillesse qui n'exclut pas la nécessité de parfois se mettre en colère et d'affronter aux côtés de la personne malade ce qui la détruit.
On peut aussi réfléchir à ce qui pourrait différencier le soin ou plutôt "le fait de prendre soin" et le traitement . j'ai trouvé chez Winnicott, des éléments d'orientation qui m'ont éclairée.
Tout d'abord Winnicott part de l'histoire des mots Cure et Care .
Cure avait au départ le sens de Care, soin, intérêt, attention. Puis ça bouge au début du 18 ème siècle prenant le sens de traitement comme dans " la cure thermale" , puis un siècle plus tard, s'ajoute l'heureux dénouement, le malade recouvre la santé, la maladie est éliminée, le mal exorcisé.
Ainsi, toujours selon Winnicott, les médecins doivent à présent lutter pour préserver la fonction de soin, care, l'intérêt pour le malade , qui risque d'être recouverte par la fonction de traitement, cure, la nécessité de trouver des remèdes contre le mal.. Dans ma pratique, à aucun moment je ne dissocie complètement la prescription médicamenteuse du soin au sens de care.
Il faut pouvoir traiter, au sens de cure, un épisode urgent bien sûr.
Mais parfois, la prescription est aussi un geste, une proposition, qui va permettre au patient de réfléchir au sens de sa plainte , et aux possibilités qui lui sont offertes d'être soulagé. Il va pouvoir se mobiliser psychiquement, contre et tout contre cette prescription, et parce que la thérapie qui le soutient par ailleurs, aura posé l'acte nécessaire à ce franchissement. Il s'agit là d'alchimie entre médicaments et thérapie, qu'il faut élaborer au quotidien dans ma pratique de psychiatre institutionnel.


LE CONTEXTE ACTUEL



Depuis une vingtaine d'années , la psychiatrie s'est transformée progressivement, je dirai même insidieusement. Les recherches en neuro biologie et en génétique ont suscité d'immenses espoirs de découvertes qui changeraient le traitement des maladies psychiques. Ces recherches se sont avérées assez décevantes et n'ont pas amélioré la prise en charge des patients de manière significative. Pour autant ce courant biologique, génétique, neurologique s'est quand même imposé et a envahi le champ psychiatrique attaquant de plus en plus violemment la psychiatrie humaniste

se référant à la psychanalyse et à la psychothérapie institutionnelle. Les maladies psychiatriques sous prétexte d'être "déstigmatisées" sont devenues des maladies somatiques comme les autres et ont trouvé leur localisation dans un organe, le cerveau. Je pense que cette vision réductrice ne peut rendre compte de la complexité d'un être humain.
Le danger actuel serait , à mon sens de revenir à la neuropsychiatrie d'avant 1968, en laissant de côté toute la dimension subjective , humaine de la souffrance psychique. Ainsi en privilégiant le raisonnement scientifique dans la maladie psychiatrique , on s'est focalisé sur les causes organiques des maladies et on s'est attaché à éradiquer ses causes.
Les différents manuels de classifications des maladies mentales DSM ont contribué surtout pour les derniers, à l'apparition de symptômes et maladies basés sur une observation athéorique et descriptive des comportements humains. Ce regard athéorique mais non dénué d'effet sur notre vie quotidienne, a entraîné un élargissement des pathologie mentales, véritable épidémie profitant à la consommation de médicaments ciblés sur ces
maladies qui touchent de plus en plus de personnes.
Ainsi les neuroleptiques, sont devenus des antipsychotiques, par analogie avec les antibiotiques par exemple..
On pourrait évoquer la question du diagnostic qui épingle les patients et leurs familles , et les engagent à trouver dans les médicaments le seul moyen, avec peut être l'éducation thérapeutique d'extirper le "mal" . Je ne suis pas opposée à l'éducation thérapeutique ni à une évaluation diagnostique qui est nécessaire . Par contre l'accompagnement dans le soin au long cours et le temps nécessaire doit être envisagé au delà de ces questions du
médicament et de l'éducation thérapeutique ..
Francois Gonon, chercheur en neurobiologie , nous éclaire sur ce qu'il appelle " la bulle spéculative de la neuropsychiatrie" , et remet en cause ces perspectives de recherches et leur aboutissement tel que nous le font croire nombre de psychiatres, de laboratoires pharmaceutiques, relayés dans les média et dont on peut retrouver toutes sortes d'informations sur internet.
Ce climat a favorisé l'évolution des pratiques en psychiatrie, et permis de justifier un désinvestissement de l'État pour le soin relationnel au long cours au profit de thérapies brèves, d'hospitalisation limitées aux crises graves, et d'une orientation vers le médico-social, au détriment du soin.
L'État a fait le choix de privilégier le sécuritaire au détriment de la prévention et de l'accompagnement en amont des crises graves, qui ont fait l'objet de faits divers largement médiatisés et ont abouti à la loi sur les soins sans consentement du 5 juillet 2011.
Pour autant, les conditions d'accès aux soins psychiques sont devenues de plus en plus difficiles au fil du temps et les parents ont dû prendre une part beaucoup plus active dans les soins pour leurs proches malades .


LES INITIATIVES CITOYENNES



C'est dans ce contexte que des patients soignés au centre Artaud ont décidé de créer fin 2011, une association, Humapsy , afin de donner la parole aux personnes malades, dénoncer ces dérives sécuritaires et la mauvaise qualité des soins en psychiatrie, transmettre à partir de leur expérience, des pratiques d'une psychiatrie institutionnelle et humaniste .

En juin 2013 ont eu lieu les " assises pour l'hospitalité dans le médico-social et dans le soin".
Il s'agissait de réunir toutes les personnes concernées par le soin psychique, patients, parents, soignants, travailleurs sociaux.. Et de leur donner l'occasion de témoigner sur leur vécu au quotidien face à la maladie psychique. J'ai été pour ma part bouleversée par ces témoignages et la prise de parole que cela a suscité chez les patients et familles que je côtoie au centre Antonin Artaud de Reims et au centre Camille Claudel de Fismes.
Le fil conducteur est né dans le prolongement de l'atelier famille des Assises et se réunit régulièrement 4 à 5 fois par an.
Ce groupe de travail ouvert auquel je participe régulièrement, permet des échanges entre professionnels familles et patients. Il poursuit le recueil de témoignages qui sont bien souvent assez affligeants sur l'offre de soin en psychiatrie.
Il réfléchit à des propositions à soumettre aux instances tutélaires afin d'améliorer le suivi en psychiatrie et a été entendu récemment avec l'association Humapsy par Mr Laforcade au ministère de la santé.
L'engagement de l'UNAFAM et ces initiatives citoyennes supplémentaires devraient renforcer et élargir le débat sur ce sujet essentiel pour nous tous patients, soignants, familles.
Plus que jamais nous nous devons d'échanger là où nous le pouvons afin de préserver une approche qui mette au centre de ses préoccupations, la prise de parole l'écoute et l'accueil de ceux qui sont en souffrance.
Nous pouvons alors dans ces conditions travailler ensemble à la construction d'espaces vivants où les personnes peuvent s'exprimer librement être accueillies dans leur singularité et à leur rythme.
La responsabilité des soignants seraient de soutenir cette possibilité de lieux fiables et secourables ouverts sur le monde . Ces lieux existent et se construisent en permanence. La semaine de la santé mentale, rebaptisée semaine de la folie ordinaire dans notre service, nous a montré la vitalité de ce type de travail avec l'exposition à la maison de la vie associative, la soirée phénoménal et le forum des clubs où se sont retrouvées des personnes venues des quatre coins de France et de Belgique, pour témoigner de leur
action. Elles étaient toutes différentes et singulières. Elles incitaient à renouveler les échanges . Elles étaient vivantes...
Ces lieux , clubs thérapeutiques, Gem, collectifs alternatifs, CMP CATTP mais aussi les services d'hospitalisation, sont propices ( si on y travaille avec sérieux) à la créativité, au tissage de vie partagées entre patients, soignants, artistes.. véritables sociétés de soin, rendant possibles des expériences de vie que la maladie est venue entraver..
C'est à cette condition que l'expérience de la maladie psychique reprend le cours de la vie, au fil des rencontres des échanges psycho-thérapeutiques.
C'est ainsi qu'une vie peut reprendre ses droits être vivable et vivante malgré la douleur de ce qui nous affecte....
Je finirai par une citation de Searles ,, dans son livre "le contre-transfert"
Cité par Patrick Chemla dans un texte " résistances de la psychanalyse/résistances de la psychiatrie" :
« Si le mouvement psychanalytique lui-même se réfugie dans la phénothiazine et dans la génétique, ce qui, pour moi, est une fuite devant le problème, alors une longue nuit commencera pour tous ces schizophrènes – pour les malades actuels qui sont déjà perdus et pour la foule des malades à venir – et pour les quelques psychanalystes qui s’intéressent particulièrement à ce domaine. Ce sera aussi le début d’une longue nuit pour la profession psychanalytique en général et pour les patients, borderline, névrosés, etc ; que traitent les
psychanalystes. Car une fois que nous aurons commencé à renoncer à notre effort d’observation, inlassable et sans préjugés, pour discerner dans le patient, grâce à une exploration empathique de ce qu’on appelle nos réactions transférentielles au patient, le fond d’humanité en lutte contre la psychopathologie qui l’assaille, notre fuite sera sans
fin ».


Textes en Annexes :



1) LE TEXTE DU FIL CONDUCTEUR REMIS AU MINISTÈRE

Dans la perspective de la loi de Santé publique, le Fil conducteur souhaite contribuer à une réflexion pour une refondation de la psychiatrie et de l’accueil de la folie dans notre société. Pour une psychiatrie humaine.


Le « Fil conducteur » est un espace de parole et de réflexion émanant de l’atelier Familles des Assises citoyennes pour l’hospitalité en psychiatrie et dans le médico-social, organisé par le Collectif des 39, qui ont eu lieu les 31mai et 1er juin 2013, réunissant des patients, des familles et des soignants.

Ce groupe réunissant des patients, des familles et des soignants a pour objectif d’élaborer des propositions à faire valoir auprès des responsables de la Santé. Patients, familles, soignants, nous faisons oeuvre commune pour formuler ce que nous entendons par « soins en psychiatrie », pour inventer ensemble autour des questions de l’accueil, du soin, du suivi et de l’accompagnement.
Actuellement, selon nous et à l’aune de nos expériences partagées, les parcours de soins se révèlent inorganisés la plupart du temps, voire anarchiques, et représentent un véritable parcours du combattant pour les familles comme pour les personnes souffrant d’une maladie psychique.
Voici les points qui nous semblent essentiels, selon les trois pôles qui nous rassemblent, patients, familles, soignants. Nous vous remercions vivement de l’attention que vous prêterez à notre démarche.
Nous demandons une psychiatrie humaine, qui s’adresse à des êtres humains.
Une personne souffrant d’une maladie psychique est un être humain, et pas seulement « cas » ou une pathologie. Le diagnostic ne gouverne pas seul le soin : le respect, l’attention, l’écoute et la parole sont nécessaires.
Nous demandons un parcours de soins cohérent.
Trop souvent, les personnes souffrant de troubles psychiques ont un parcours de soins chaotique, passant d’une structure hospitalière à une structure d’accueil (hôpital de jour, foyer de nuit…), ou une structure de soins (CMP), parfois même plusieurs psychiatres dans chacune des structures en même temps, sans communication entre les différents services. Un médecin référent est nécessaire, qui serait le lien nécessaire tout au long de la maladie. Des hospitalisations successives, alternant avec des sorties sans accompagnement, entraînent des rechutes qui ne peuvent que chroniciser la maladie.
Nous demandons une permanence téléphonique 24 heures sur 24 pour les CMP.
Les CMP sont essentiels dans l’accompagnement des malades dans la cité.
Non seulement ils sont insuffisants en nombre, parfois il faut six mois pour obtenir un premier rendez-vous, mais leurs horaires ne sont pas adaptés pour des personnes fragilisées par leur pathologie, qui ont besoin de soutien et de présence n’importe quand, même aux heures de fermeture. Pour cela, nous demandons une permanence téléphonique 24 heures sur 24, qui puisse répondre présente à tout moment.
Nous demandons aussi qu’un lien soit établi entre le CMP et les familles, afin que, par exemple, si un patient ne vient pas à un rendez-vous, la famille soit alertée. Ou que du personnel soit envoyé au domicile du patient. Nous demandons un accompagnement dans la cité, après les sorties d’hôpital.
Lorsqu’une personne sort d’hôpital et retourne chez elle, elle se retrouve livrée à elle-même alors qu’il lui est très difficile de faire face et d’assumer le quotidien. Ce qui entraîne le plus souvent de nouvelles hospitalisations. Et des hospitalisations qui se succèdent ne peuvent que chroniciser un malade dans sa maladie. Alors qu’un accompagnement, un soutien au domicile peuvent éviter ces retours à l’hospitalisation. Une maladie psychique qui se chronicise coûte beaucoup plus cher à la société qu’un accompagnement régulier. A moins que le patient ne se retrouve à la rue, augmentant le nombre de SDF comme c’est souvent le cas si les familles ne sont pas là.
Nous demandons plus de logements thérapeutiques.
Les personnes fragilisées par la maladie mentale ne peuvent pas, le plus souvent, assumer seuls la vie matérielle au quotidien, et ont besoin d’accompagnement ; la solitude peut être un facteur d’angoisse entraînant une rechute. Les logements thérapeutiques sont une réponse à ces difficultés.
Nous demandons des lieux d’accueil et de soins au long cours
Lorsque après des années de soins, d’hospitalisations successives, il s’avère que le patient est chronicisé dans la maladie, il faut envisager un lieu où il peut trouver le soin et l’attention dont il a besoin, et ainsi créer le lien nécessaire à son amélioration.
Nous demandons que les familles des personnes malades soient prises en compte.
Lors de l’irruption d’une maladie psychique chez une personne, la famille est entraînée avec elle dans le maelstrom du trouble mental, en première ligne, et désarmée face à l’étrangeté des symptômes qu’elles côtoient depuis parfois longtemps. La réponse des soignants est alors le plus souvent absente ou insuffisante, et les familles ne sont pas reçues, voire ignorées, au prétexte de l’autonomie du patient et de la nécessité thérapeutique. La souffrance des familles doit être prise en compte, d’autant que, dans la majorité des cas, c’est elle qui assure ou va assurer une prise en charge lourde et au long court tant au point de vue de l’hébergement, que du soutien affectif et économique. Cette prise en charge peut avoir des répercussions sur leur santé psychique et physique (dépression, désespoir…), comme sur leur vie familiale et professionnelle, et même entraîner de lourds problèmes financiers. Il faut porter de l’attention et un soutien aux gens vivant avec une personne malade psychiquement, notamment l’entourage jeune. N’oublions pas que les familles sont aidantes, aimantes, mais pas soignantes.
Nous demandons une formation d’infirmiers en psychiatrie.
Depuis 1992, il n’y a plus de formation spécifique en psychiatrie pour les infirmiers. Pourtant, les infirmiers sont un poste pivot dans le soin : la maladie psychique n’est pas une maladie comme les autres et nécessite une connaissance spécifique. Les jeunes infirmiers ont de plus en plus recours à la contention et aux chambres d’isolement, car ils ont peur des malades. Les infirmiers formés, eux, qui peuvent guider les jeunes dans le soin, partent à la
retraite petit à petit, et cette connaissance va disparaître des murs de l’hôpital. Il y a un besoin criant de rétablir cette formation, aussi bien pour améliorer le soin des personnes malades, que pour le confort des infirmiers eux-mêmes dans leur milieu professionnel et leur relation aux malades.
Nous demandons que l’on arrête les contentions et les isolements.
De plus en plus, la contention et l’isolement sont le recours rapide de soignants débordés et non formés devant une situation de crise. Dans une maladie du lien qu’est la maladie psychique, comment peut-on penser que c’est avec de la contention et de l’enfermement que l’on peut établir un contact avec un malade ? C’est avec du temps accordé, de l’attention que l’on peut instaurer un lien de confiance. Cela prend certes du temps, mais la
contention et l’enfermement sont des réponses contraires à l’établissement de la confiance nécessaire au mieux-être d’un malade.
Nous demandons que les maladies psychiatriques ne soient pas considérées comme les autres. 
La maladie mentale n’est pas une maladie seulement organique. Et ne peut donc être traitée comme telle. Les traitements seuls ne sont pas une réponse à la souffrance mentale, le temps, l’écoute et la parole sont aussi nécessaires pour établir un échange soignant. La thérapie, c’est aussi la relation avec le patient.
Nous demandons que les familles ne deviennent pas « aidants familiaux » Une famille est naturellement présente, aimante et aidante. Mais elle reste une famille, et ne saurait devenir « soignante » ou se substituer ou pallier la manque de personnel soignant.
Nous demandons, pour les malades pris en charge à 100%, la gratuité du forfait hospitalier ou la CMU.
Des malades au long cours, pris en charge à 100%, perdent la CMU lorsqu’ils touchent une AAH. Ce qui entraîne, lors d’hospitalisations, le paiement du forfait hospitalier de 18 euros par jour. Pour faire face à cette dette, ils doivent souscrire à une mutuelle, que la plupart du temps ils ne peuvent pas payer. Soit cela les enfonce dans des problèmes financiers insolubles, soit ils renoncent aux soins. Et tombent dans une maladie sans issue, par manque de moyens. 
Nous demandons que les forfaits hospitaliers ne leur soient pas imputés, ou qu’ils bénéficient de la CMU.
Nous demandons le retrait du dossier médical partagé en psychiatrie.
Le dossier médical n’assure pas le suivi actuellement, au long des hospitalisations et des structures de soin. Mais le partage du dossier médical peut avoir des effets catastrophiques sur les patients en psychiatrie, qui voient leur vie de patient accessible de manière incontrôlée par le milieu médical.
La continuité des soins ne peut être que humaine, la relation avec le patient est avant tout thérapeutique, ce n’est pas qu’une affaire de dossier.
Nous demandons le soutien et le développement des clubs thérapeutiques dans les structures de soins en psychiatrie.
Le club thérapeutique est un élément très important pour les personnes souffrant d’une maladie psychiatrique. En effet, une telle structure offre aux patients la possibilité d’avoir une responsabilité dans une structure, d’avoir un pouvoir décisionnel dans la gestion de cette structure, et de se réaliser dans des activités qu’ils choisissent. Les malades peuvent ainsi avoir un sentiment d’utilité sociale, qui se construit à partir où le malade a une responsabilité.


2) TEXTE HUMAPSY REMIS AU MINISTÈRE



Enfin, le texte de Mathieu, pour Humapsy :

" HumaPsy : une association créée par des patients peu après le vote de la loi du 5 juillet 2011, à laquelle nous étions opposés.


Pourquoi?



- Nous avons pris conscience qu'on était très mal représenté par les associations existantes puisqu'elles ne s'étaient pas opposées au principe de la contrainte en ambulatoire, qui pourtant s'appuie sur la peur des malades et permet surtout de masquer les défaillances des équipes : abandon des patients à la sortie de l'hôpital, ou simplement incapacité à leur inspirer confiance, à créer une l'alliance thérapeutique. Notre crainte était et demeure

que les jeunes générations de psychiatres trouvent normal de faire l'économie du travail de relation avec leur patients. (je précise pour éviter tout malentendu que nous n'avons jamais combattu les HDT ou HO).


- Nous ne comprenons pas non plus la stratégie de communication des associations d'usagers pour soit disant déstigmatiser les malades en disant que« ce sont des maladies comme les autres ». S'il est possible de mettre en avant des personnes diagnostiquées pour leur faire dire que les traitements leur ont suffit, et qu'ils n'ont au fond pas besoin d'autres soins... Nous savons que ce n'est pas le cas de tout le monde.

De plus, « comme par hasard », cette formule des « maladies comme les autres » est aussi le leitmotiv des labos, de l'Unafam, de Fondamental, qui veulent faire de la psychiatrie une médecine technique comme les autres, c'est-à-dire la ramener à une « neurologie » ce qui serait une catastrophe pour les personnes en souffrance psychique.
Car aujourd'hui on nous vante sans arrêt les progrès des neuro-sciences (qui n'ont toujours rien apporté comme nouvelles pistes thérapeutiques (à part vous implanter une stimulation profonde intra crânienne), on nous prédit depuis 15 ans qu'elles vont nous sauver, mais on ne voit rien venir. Lorsque les patients ne sont pas suffisamment améliorés par les traitements, aucune solution n'est apportée par la science, à part, toujours plus de médicaments ou bien l'enfermement ou tout simplement ...l'abandon. On pourrait en revenir
aux pavillons d'incurables.
Ces discours au nom de la science, ne servent qu'à désengager la psychiatrie du soin relationnel. Et on passe aux oubliettes tout un courant de pensée de la psychiatrie humaniste, désaliéniste, qui a nourri dans certains lieux des pratiques qui pourtant marchent … alors que d'autres renoncent à s'occuper de malades qui leur font peur.
Témoignage sur Reims : La continuité du soin, comme elle était prévue dans l'idée du secteur est un maillage entre les différents lieux de soin, l'hôpital, le cmp, les appartements thérapeutiques etc.
La continuité des soins est avant tout une continuité des personnes qui s'occupent des malades.
Le soin ne peut exister que s'il est accepté, autrement dit, il ne peut se faire que dans une relation de confiance, et si on veut que la confiance s'installe, il faut du temps. Le soin, ne peut exister sous la contrainte.
D'autre part, un lieu ne peut-être soignant que s'il est accueillant et vivant : au centre Artaud, (accueil de jour), un soin particulier est accordé à la vie quotidienne, tout comme à l'intérieur de l'hôpital (certains patient vivent dans un monde dépeuplé et morbide et la moindre des chose est de ne pas les conforter dans cette souffrance en leur disant qu'on les attache pour leur bien). L'instrument du club thérapeutique (présents en intra et extra) est un moyen simple de faire circuler la parole, de ne pas faire du clivage soignant/patient, un clivage hiérarchique, en effet il ne faut pas que les soignants tirent de leur statut un sentiment de pouvoir et de domination. (ce qui malheureusement est souvent le cas) et la remise à plat des relations dans l'espace du club permet d'éviter que les uns s'enferment dans leur hypothétique supériorité et les autres dans la peur et la soumission.
Cet assemblage rare dans le service public, qui subit les mêmes contraintes budgétaires que les autres services, est pourtant très économique au regard des coûts pour la société de la maladie mentale : des hospitalisations de force évitées, des malades suivis et non pas laissés à la rue, ni en prison.
Pour information, une journée d'hospitalisation, coûte à la sécurité sociale, l'équivalent d'un mois d'AAH.
La psychiatrie publique en France est dans sa grande majorité de mauvaise qualité, c'est simple, elle fait de plus en plus peur ! Nous souhaitons que d'autres patients puissent bénéficier de soins tels que nous les recevons, (ce service reçoit de nombreuses demandes hors secteur qu'il ne peut accepter, des gens déménagent afin d'y être suivis). Il est crucial que la la psychiatrie continue d'articuler les deux dimensions du soin : le traitement et la relation soignante, car les patients les plus en difficulté ont affaire à la psychiatrie publique, et perdront toute chance de voir leur état s'améliorer si elle se borne à les « traiter » sans les rencontrer, les comprendre, les accompagner.

Sarah Colin.